L’inspecteur Quentin Chapuis n’arrivera donc jamais à coincer les Cat’s Eyes. S’il y avait une nouvelle saison de ce dessin animé qui a bercé notre enfance, nul doute que nos trois héroïnes troqueraient leurs Honda pour une prépa made in VIBA. Voici déjà la moto de Sylia.
Vous connaissez déjà Yann Bakonyi, designer de formation mais artiste multicasquettes : graphisme, illustration, presse, web, digital, impression 3D… Touche-à-tout, curieux, passionné évidemment, Yann à mille projets. Ce créatif doté d’une culture protéiforme aime le beau, l’intelligent et est un maniaque du détail. Si son nom vous dit quelque chose, c’est sans doute pour sa casquette VIBA, marque de préparation moto qu’il cofonde en 2015 et à qui on doit notamment LARA, QORA, JANE et CARA. Des prénoms féminins, des muses, qu’il choisit pour concevoir chaque machine. À son contact on se dit que tout devient possible. Comme cette Honda Hornet rebaptisée SYLIA. Tout débute par un concours organisé par le constructeur Japonais pour ses concessionnaires.
Cette Hornet est racée et sexy, je me suis dit que Sylia, l’aînée des Cat’s Eyes, était la muse idéale.
Honda Nouveau Monde La Rochelle, un concessionnaire ailé donc, fait appel à Yann via son studio de design, VIBA : « Michel et Pierre-François étaient très motivés par ce concours, leur idée était d’avoir une prépa qui dénote afin de montrer qu’ils pouvaient faire des choses différentes dans leur concession ». Le briefe : « Tu as carte blanche, fais-nous un truc qui envoi ». Pour Yann, sa muse est toute trouvée : « Signé Cat’s Eyes m’a marqué quand j’étais ado, sans doute parce que ce sont des femmes fortes, comme mes muses. Dans le manga, les trois sœurs roulent à moto, en Honda. J’avais ça en tête depuis un moment. Quand mon ami Michel m’a parlé du concours, ça a été une évidence.»
Honda communique sur l’agilité, le dynamisme de sa Hornet, un autre aspect qui colle parfaitement avec la série animée : « Cette Hornet est la plus mature des Hornet, je me suis dit que Sylia, l’aînée, était la muse idéale. J’ai été voir mon peintre qui m’a créé la couleur que je cherchais : un violet aubergine, comme la tenue de Sylia, qui devient presque noir quand la nuit tombe, parfait pour se fondre dans la pénombre. » Yann rehausse le réservoir d’un lettrage holographique pour évoquer le côté kitch, typique des années 80 : « J’ai d’abord traduit “Nouveau Monde”, le nom de la concession qui est aussi le nom d’un quartier tendance à Osaka. Ça ne marchait pas, les Katakana n’étaient pas assez dynamiques. J’ai fini par trouver les manuels d’atelier de la première génération où Hornet était écrit en Japonais, c’était parfait ».
Yann n’a qu’un mois et une semaine pour concevoir et réaliser cette moto. Un timing ultra-serré, rendu quasi intenable par la mise à dispo de la moto par Honda France en dernière minute. Pour se sortir de ce mauvais pas, il utilise son expertise en modélisation et impression 3D : « Dès réception de la moto, j’ai démonté toutes les pièces que je ne voulais pas conserver et j’ai scanné la bécane en 3D. J’ai donc pu envoyer les carénages en peinture et la moto chez mon faiseur d’échappement pendant que je modélisais les pièces ». Yann utilise un scanner à lumière pulsée qui se sert du retour de la lumière pour créer un mapping de la zone. Il s’agit d’un modèle ultra précis, avec seulement 0,045 mm de tolérance : « J’ai pu lancer les pièces directement en production, tout s’est monté du premier coup, je suis à moins d’un millimètre de jeu entre les pièces. En termes de gain de temps et de finition c’est fou. » Yann part sur l’envie de rendre la machine trapue, basculée sur l’avant, avec un petit phare rond pour rappeler la Hornet d’origine, phare qu’il fait rentrer dans la fourche, grâce à un support imprimé en 3D, pour dépouiller l’avant.
L’impression 3D permet de gagner en temps et en précision, tout devient possible.
Le garde-boue avant est imprimé en une seule pièce, en nylon PA12, très solide mais flexible comme une pièce en carbone, qui permet à Yann de le monter sans rien avoir à démonter : « J’ai redessiné le garde-boue avant afin de créer deux écopes qui créent une continuité avec la ligne des caches réservoir. J’en ai profité pour raccourcir l’avant avec un garde-boue tronqué inspiré des courses d’endurance, ça leur permet d’enlever la roue facilement. Visuellement, ça permet de libérer la jante avant, ce qui contribue au côté agressif. C’est aussi un clin d’œil aussi à Pierre-François avec qui j’ai fait pas mal de piste étant plus jeune ». Dans le même esprit racing, Yann imagine des pare-disques de freins inspirées des disk-covers que l’on voit en motoGP, qui contribuent à apporter un look cyberpunk, très manga. Pour compléter le look, il crée un enjoliveur de jante “Aerowheel” à l’arrière, là aussi imprimé en 3D. Cette astuce stylistique permet d’élargir visuellement l’arrière. Yann nous explique que la pièce la plus compliquée à concevoir a été le support de compteur : « Il fallait garder le compteur d’origine qui est imposant. Je n’avais pas envie d’avoir une énorme verrue sur le réservoir, j’ai imaginé un système un peu complexe pour le fixer au plus près du conteneur, légèrement incliné vers le pilote ».
L’essentiel du travail a été réalisé à l’avant, ou seuls les commodos et le té de fourche d’origine sont conservés, afin d’apporter toute l’agressivité recherchée. Le passage en full black, contribue à accentuer l’esprit “bad-girl”. A l’arrière, Yann s’est contenté de refaire le capot de selle et le feu : « À la base je voulais mettre un porte-paquet, en référence aux Cat’s Eyes qui sanglent leurs tableaux volés à l’arrière de leurs motos. Ça ne marchait pas. Et puis je voulais conserver un esprit racing. Quand le pilote est en ligne droite, il cale ses fesses sur la coque arrière. J’ai donc dessiné une partie verticale qui sert de support. Le dessus est plat pour symboliser le porte-paquet. Ça permet d’affiner visuellement la coque arrière. Le passage en noir mat contribue aussi à alléger cette partie, ton regard passe plus rapidement sur l’avant ».
Le feu arrière est remplacé par un modèle imprimé en 3D avec trois bandes LED intégrées, en référence aux trois Cat’s Eyes. Comme pour toutes ses motos, Yann ne coupe rien, il n’y a rien de destructif dans ses transformations : « Je vais jusqu’à sourcer les cosses usines pour me brancher directement sur le faisceau d’origine. Si demain Michel veut remettre la moto stock, ça ne pose aucun problème ». Nous, on préférerait garder cette moto telle quelle et que Yann puisse aller au bout de son idée : en fabriquer deux autres, celles d’Alexia et Tamara, une orange et une bleue…